Description

J’active l’interrupteur de la mise au travail. Tout d’abord, rechercher le podcast de fait divers historique qui va me permettre d’écouter une histoire tout en m’échauffant dans un petit carnet de croquis A5. Je reprends mon livre de référence où je l’ai laissé la veille: les planches naturalistes des animaux de la ferme, un guide de cueillette de champignons, les dessins techniques des brevets américains déposés depuis 1900. Je joue avec de l’eau, de l’encre de Chine, du crayon graphite, du fusain, de l’acrylique, de la craie. Je provoque un heureux accident, je ne pense à rien, je pose un geste, mon sujet est là. Je regarderai plus attentivement le résultat le lendemain. Je travaille par évocations. Tout d’abord, trouver la playlist musicale qui me trotte en tête. Du rythme électro, du rock des années 90 qui me plongent dans mon adolescence, du rap agressif, un rythme de basse. Et je recherche l’image qui s’est imprimée sur ma rétine par sa composition et ses contrastes. En recherche d’impressions photographiques, d’inspiration cinématographique de mise de scène. Je suis fascinée par la culture américaine: sa violence, l’immédiateté, l’empreinte déjà nostalgique. J’aime la puissance et rapidité des matches de basket. Je sélectionne quelques scènes et je n’en imprime qu’une seule dans une mauvaise qualité. Le but est de me l’approprier pour qu’elle soit réinterprétée par le dessin. Je recherche l’évocation d’une atmosphère, d’une scène déjà vue qui cache une (peut-être sombre) histoire. J’étale sur trois mètres mon rouleau de papier sur le sol, j’enfile mon beau de travail et mes chaussettes noires. Sur base de cette photo, je pose directement mon geste au fusain sur mon papier déroulé sur le sol. Et là, le pur plaisir du trait, plaisir du contraste et de l’accident provoqué. Faire apparaître la lumière qui imbibe les choses. Créer de l’espace avec de la couleur et mon fusain noir. Le dessin comme une bulle, un état d’esprit où s’échapper, comme nager dans une piscine occupée par des groupes scolaires mais dans un couloir vide.



Biographie

Née en 1981, diplômée en littératures romanes de l’ULB, le livre et les images m’accompagnent depuis l’enfance. Mes soeurs sont arrivées tardivement et j’ai grandi à la campagne d’où on s’échappe grâce à l’imaginaire. Les études m’ont réinstallée à Bruxelles, où je suis née. La ville m’a plongée dans la culture à portée de main et je suis devenue libraire. Dévorer des BD à la chaîne, s’immerger dans les romans anglo-saxons, danser dans les concerts pop rock, cultiver la curiosité, partout et toujours: partager toutes ces découvertes était mon quotidien jusqu’à l’arrivée de mon fils. Après le cocon de la maternité, l’impératif du dessin s’est à nouveau imposé, comme dans mon enfance de petite fille unique. L’école était mon contact avec la vie extérieure. C’est donc en visitant une exposition de fin d’année que je me suis trouvée happée par le cours de modèle vivant de Florimond Dufoor: c’était exactement là que je souhaitais arriver. Mais je devais d’abord travailler, trouver mon trait, mon écriture et que mon dessin ne soit plus un heureux accident mais un réflexe naturel, dénudé de toute réflexion théorique de comment faire. J’ai donc suivi les cours pluridisciplinaires de Chantal Coppieters, qui, en m’emmenant vers la peinture, me faisaient ressentir encore plus fortement mon désir du trait. En rejoignant finalement l’atelier de Florimond Dufoor à l’Ecole des Arts d’Ixelles, j’ai trouvé ma place et le geste intuitif, direct, vif et viscéral. Un stage avec Ulla Hase m’a appris à mettre en place un rituel de travail, un autre avec Marie France Bonmariage en lithographie m’a appris le plaisir du contact physique avec la matière à dessiner. L’année prochaine sera ma dernière année en tant qu’étudiante à l’Ecole des Arts. J’ai totalement changé de voie professionnelle et j’espère que mon investissement contribue à la vie active de l’école.



Œuvres